San ou pas san, telle est la question ! Ou les subtilités du san-zuke

Les Japonais ont l’habitude d’accoler un san honorifique après les noms de personnes, on appelle cela le san-zuke.  San est une contraction de sama qui veut dire seigneur et son usage a été généralisé lors de la disparition de ces derniers, les daïmyo, au début du règne de Meiji. San présente le grand avantage d’être neutre et de pouvoir s’appliquer indifféremment aux hommes et aux femmes que ces dernières soient mariées ou non. Cela fait du japonais une langue qui n’est pas sexiste, naturellement inclusive, mais que l’on se rassure, les Japonais se rattrapent par ailleurs. Pour les jeunes garçons san peut être remplacé par kun[1] en donnant le sens du « jeune Untel » tandis que pour les petites filles on utilise chan, la « petite Unetelle ». Il existe enfin une dernière méthode pour appeler les gens dans laquelle comme chez nous l’on utilise le nom seul, sans rien après. Cela s’appelle yobisute ou jeter le nom et cela exprime soit une très grande intimité soit plus souvent l’expression manifeste d’un sentiment de supériorité. Le sama d’origine, lui, n’existe plus qu’à l’état de traces dans la langue parlée dans des formules de langage honorifique comme o-kyaku sama, le vénérable client.

 

Lors du premier voyage de société dans la filiale japonaise où je travaillais, j’ai pu assister dans le bus à la cérémonie de l’appel des présents et cela a été immensément éclairant sur le san-zuke chez les jeunes Japonais. L’âge moyen des employés devait être 27 ans et le garçon en charge de l’appel devait avoir à peu près le même âge. Il commença par jeter les noms de ses camarades contemporains, « Abe ! », « Kai ! », puis donna du san aux plus anciens « Sugiura-san ! », « Okada-san ! » avant d’appeler kun les plus jeunes « Tsuda-kun », « Saiki-kun ». Une seule année d’ancienneté suffisait normalement à établir la différence hiérarchique mais en fait ce n’était pas aussi simple que cela car il y avait des exceptions, soit des jeunes qui, pour une raison ou une autre, imposaient le respect et recevaient du san et d’autres plus âgés qui au contraire resteraient éternellement kun pour tout le monde. Cette difficile gymnastique à laquelle il avait dû se livrer pour faire son appel m’a finalement réconcilié avec celle que nous devons faire en français pour passer du « vous » au « tu » et qui est si bien illustrée par l’échange que l’on prête au président Mitterrand répondant à la question d’un militant.

– Est-ce que je peux te tutoyer ?

– Si vous voulez !

Le vouvoiement en français m’énervait et j’enviais le you anglais jusqu’à ce que j’apprenne le japonais. Depuis, je me suis rendu compte que ces illogismes et ces contradictions constituaient l’un des charmes d’une langue et qu’il fallait en profiter avant que, comme l’Usted espagnol, le « vous » ne disparaisse presque totalement du français moderne.

 

[1] Kun s’écrit avec le caractère 君qui se lit aussi kimi et qui veut dire prince. C’est le même kun que dans taikun, le grand prince, appellation donnée au Shogoun lors de l’arrivée des Occidentaux au Japon en 1853 et qui permettait, mieux que Shogoun qui veut dire général, de le mettre sur le même pied que les rois ou présidents d’Europe. C’est ce même titre qui a donné tycoon en anglais.

Par Pierre Sevaistre

 

 

さん」をつけるかつけないか、それが問題だ! -「さん付け」の 妙技

日本人は名前の後に「さん」という敬称をつける習慣があり、これは「さん付け」と呼ばれています。「さん」は、主君を意味する「さま(様)」の縮約であり、明治時代になって主君である大名が消滅したときに広く使われるようになりました。「さん」は中立で、男性にも既婚女性にも未婚女性にも平等に使えるという大きな利点があり、これによって日本語は男女平等でひとりでにインクルーシブな言語となっています。とはいえ安心してください。日本人は他の面でその埋め合わせをしていますから。相手が少年の場合、「さん」を「くん[1]」に置き換えて「若い男の子」の意味を与えることできますが、少女の場合は「若い女の子」を意味する「ちゃん」を使います。そして最後にもう一つ、フランスと同じように名前だけを呼ぶという方法があります。これは「呼び捨て」と呼ばれ、非常に親しい間柄であるか、あるいは優越感をあからさまに表す場合にしばしば使われます。元々の「さま」はというと、大切な「お客様」などといった話し言葉の敬語の中にその痕跡をとどめるのみです。

 

勤めていた日本の会社で初めて社員旅行に行った時、私はバスの中で出席者の点呼というセレモニーに立ち会うことができ、若い日本人の「さん付け」の方法について大いに学ぶこととなりました。社員の平均年齢はおよそ27歳で、点呼担当の男性もそれくらいの年齢でした。彼は同期の社員の呼び捨てから始めました。「アベ!」「カイ!」次に先輩社員に対して「さん付け」で「スギウラさん!」「オカダさん!」そして後輩を「ツダくん」「サイキくん」。通常は1年でも先輩ならば序列の違いをはっきりさせるのに十分だったのですが、実際には事はそれほど単純ではありませんでした。というのも、何らかの理由で敬意を払われ「さん付け」されている年少者や、反対にいつまでも皆から「くん」と呼ばれ続けている年長者など、例外がいたからです。点呼係が取り組んだこの難しい曲芸を見て、私はついに、フランス語で「vous(あなた)」から「tu(君、おまえ)」へと相手への呼びかけ方を変えるという曲芸と折り合いをつけることができたのです。この芸当の見事な事例として、ミッテラン大統領による活動家への返答が挙げられます。

– tuで話してもいいかな?

– あなた(vous)がお望みならば、どうぞ!

 

フランス語でvousを使って話すことは私をいらつかせ、日本語を学ぶまでは、常に変わらない英語のyouを羨ましく思っていました。しかし日本語を学んでからは、こうした非合理性や矛盾が言語の魅力の一つであり、それを活用する必要があると気付きました。スペイン語のUsted(vousに相当)のように、現代フランス語からvousがほぼ完全に消えてしまう前に。

 

[1] 「くん」は、君主を意味し「きみ」とも発音される漢字「君」で表記されます。1853年に西洋人が日本に到着した際に徳川将軍が用いた呼称「大君(たいくん)」と同じ「くん」です。将軍はこの呼称によって、ヨーロッパの王や大統領と同列に扱われました。「大君」は英語の「tycoon」となりました。

 

San ou pas san, telle est la question ! Ou les subtilités du san-zuke

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